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Bolla


Éditeur : LES ARGONAUTES
ISBN numérique PDF: 9782494289055
ISBN numérique ePub: 9782494289079
Parution : 2023
Catégorisation : Livres numériques / Autre / Autre / Autre.

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Description

Kosovo, 1995: Quand Arsim rencontre Miloš à l’université de Pristina, tout semble les opposer : l’un est albanais, l’autre serbe, et leurs deux ethnies s’enfoncent dans un conflit meurtrier. Pourtant, face à une société où l’homosexualité est un crime, ils s’aiment. Lorsque la famille d'Arsim doit fuir à l’étranger pour échapper aux massacres et à la guerre, Ayse, sa femme, attend leur deuxième enfant. À son retour forcé au Kosovo, il retrouve Miloš brisé par les traumatismes liés au conflit. Articulé autour de la légende d’un serpent démoniaque, Bolla, le récit de cette passion contrariée et vouée à l'échec, se déploie dans une prose de grande élégance. Pajtim Statovci, le jeune prodige de la littérature finlandaise, livre un roman implacable sur le désir, la liberté et la destruction. Pajtim Statovci est né au Kosovo en 1990 et a émigré à l’âge de deux ans avec sa famille en Finlande. Professeur de littérature comparée à l’université d’Helsinki, il est l’auteur de La Traversée (Buchet-Chastel, 2021; Folio, 2022), après Mon chat Yugoslavia (Denoël, 2016; Folio, 2017). Pour son troisième roman, Bolla, il a remporté le prestigieux Prix Finlandia en 2019. Il est traduit ou en cours de traduction dans dix-sept langues. Lorsque j'ai lu Bolla, ce troisième roman du jeune auteur finlandais d'origine albanaise Pajtim Statovci, j'ai été tout de suite convaincue par son écriture. C'est incroyable à quel point il maîtrise et manie la langue pour narrer une histoire assez inhabituelle pour un jeune auteur. Celle d'une guerre et d'un exil qu'il n'a jamais vécu lui-même, mais qui doit avoir marqué sa vie à travers le destin de sa famille. Cru, violent et doté d'un sang-froid presque douloureux, Bolla est le récit d'un amour impossible entre deux jeunes hommes dans un temps de combat implacable. Une voix littéraire hautement accomplie, Pajtim Statovci a fait d'une expérience européenne dont la violence résonne encore aujourd’hui - les guerres de Yougoslavie - un sujet de grande actualité. L’ambition littéraire singulière de ce très jeune auteur, le plus jeune à avoir remporté pour Bolla le prix le plus important de son pays, le prix Finlandia 1919, n'est qu'à ses débuts. Représenté par l'agence très prestigieuse Wylie, Pajtim Statovci est traduit et en cours de traduction dans 17 langues du monde entier. En France il a été publié par Denoël, puis par Buchet Chastel, en poche par Folio. Le titre du roman, Bolla, se refère à ce serpent mythique et démoniaque évoqué à plusieurs reprises dans le récit. Nous avons avec la traductrice, Claire Saint Germain, qui livre ici une traduction magnifique et très juste, décidé de garder ce titre quelque peu engimatique. Issu des légendes albanaises il transmet à notre sens le trouble et la terreur que la guerre sème dans une région européenne jusqu'à nos jours impregnée des légendes et des conflits entre les ethnies. Le jeune protagoniste du roman, Arsim, narre le mythe de Bolla ainsi: « Une fois qu’il eut créé le monde, Dieu se prit à regretter son ouvrage. Il alla voir le diable, qui Lui demanda : – Quel est le problème ? – Il y a un serpent dans mon Paradis, exposa Dieu. – Tiens donc, tiens donc, répliqua le Diable sans dissimuler son sourire mielleux. Il claqua les lèvres, attendant que Dieu baisse la tête pour lui demander une faveur – et ainsi fit Dieu. – Donne-moi un enfant de Dieu et je ferai ce que tu veux, je retirerai mon serpent de ton Paradis, annonça le diable à Dieu agenouillé devant lui. – Un enfant de Dieu, répéta Dieu. – Oui, un enfant de Dieu, énonça le diable, après quoi Dieu réfléchit. – Très bien, finit-Il par dire, désespéré. Je te donnerai un enfant pour cela. » Et à la fin du roman, le jeune chirurgien Miloš, dont le lecteur découvre les extraits de son journal tout au long du récit, décrit ce que représente pour lui la légende de Bolla: « Je ne me souviens plus de ces légendes avec la moindre peur mais comme des expressions de bonheur ; un jour dans l’année cela peut fuser libre et sans souci, un jour… cela peut voler sans chaînes au-dessus des eaux et des bois, émettre en paix sa mélodie fière, étirer son corps le long des vastes champs, des collines et des flancs des montagnes, se cacher au-dessus des nuages ou dispenser de ses ailes de grands pans de sombre comme des nuits sans étoiles, tremper la brillance aveuglante de son cuir dans les lacs et les rivières, s’endormir sur les pierres et les rocs chauffés par le soleil, dans la chaleur brûlante s’enrouler aux troncs des arbres et sous le harnais feuillu des chênes à l’abri de la pluie ; et se faufiler la nuit venue dans sa caverne où cela va se coucher, dans la fatigue de sa journée – un jour heureux, ça lui suffit ; car la terre où cela fait alors sa demeure, vois-tu, c’est la terre des rois. » Ils tombent amoureux dès leur première rencontre, assis à une table de café. Arsim est albanais, Miloš serbe, ils sont des étudiants à Pristina, au Kosovo, au milieu des années 1990. Les relations entre hommes sont taboues. Le même jour, la femme d’Arsim, Ayse, lui annonce qu’elle attend un enfant. Arsim a accepté le mariage arrangé qu’ont souhaité ses parents. Il accepte aussi la violence qu’il exerce désormais contre Ayse. Quelques mois plus tard, la guerre va bouleverser leur vie. Les Serbes persécutent les Albanais, des millions de réfugiés, une férocité odieuse se déclenche qui plongera toute une région de l’Europe dans la guerre. « choisis ton camp et souviens-toi que l’ennemi n’est pas un être humain, il n’a pas de visage, pas de famille, il n’est l’enfant de personne ni le parent de quiconque, l’ennemi n’a ni sœur ni frère et l’ennemi n’éprouve aucune pitié, et donc toi non plus. » « s’ils savaient à quelle vitesse l’esprit se brise, avec quelle soudaineté la mal prend la place du bien et la facilité avec laquelle on tue alors, avec quelle aisance et quelle légèreté, parce qu’on s’est soi-même convaincu qu’il faut tuer, il faut le faire maintenant, il n’y a pas d’autre possibilité, soit on tue soit on se fera tuer, simple, sans faille, cela coule de source. » Arsim va partir avec sa famille pour un pays étranger, Miloš va s'engager comme médecin au front et connaître la barbarie de la destruction et les traumatismes profonds. Le premier deviendra un mari violent, un père tyrannique, le second sombre dans les ténèbres de la guerre. Bolla est l’histoire d'un désir impossible, des occasions manquées et d’une passion pour la vie qui se fracasse sur une réalité absurde et en même temps atrocement vraie. Ce roman est à la fois rage et tendresse, amour et horreur, chantage des désirs qui nous torturent, car "les rêves courent après les mensonges que nous nous racontons". Vivre quand on ne peut pas être qui on est, se cacher du monde dans le monde, comment est-ce possible ? Pajtim Statovci aborde cette question dans le plus intime comme dans le grand ensemble à l’aide de son écriture d’une virtuosité qui n'a ni temps ni lieu. Le récit d’Arsim, impitoyable et lourd d’opportunités manqués, alterne avec les entrées de journal très poétique de Milos sur son expérience de la guerre. La légende d'un serpent démoniaque et destructeur, Bolla, accompagne le récit de cet amour errant et dépourvu d'espoir. ? « Parfois je me tourmente et je remplis le paysage d’un brouillard qui s’accumule sur la mer, semblant lutter avec lui-même, et il pleut à verses, et autour de nous la tempête déchaînée fait rage, et alors tu viens te blottir contre moi parce que tu as peur, toi aussi, que la maison que nous avons bâtie se disloque, que l’ouragan emporte tout avec lui. » « Certains disent qu’on reste le même toute sa vie, mais ici j’ai compris que, à dire vrai, devenir autre cela se fait d’un coup d’un seul, c’est un jeu d’enfants, un tournemain, cela ne demande rien d’autre que de le vouloir, la capacité de fermer les yeux, d’imaginer, la détermination pour traverser sans hésiter ses mauvais souvenirs, s’avancer à travers la marée montante d’un passé cruel jusqu’au point où le paysage en bord de route est neuf, l’air saturé par demain. » Et la presse est élogieuse : "Les amoureux du nouveau roman de Pajtim Statovci, d'une exquise beauté, se rencontrent au pire moment du monde. (…) Dans son troisième roman, Statovci, 29 ans, fait preuve une fois de plus d'une étonnante et indéniable virtuosité qui élève son art dans une dimension qui n'a ni temps ni lieu. (…) Bolla poursuit de manière impressionnante la carrière de Pajtim Statovci, d'un calibre international." - Helsingin Sanomat, Finlande "Étonnant, intense, mélancolique." - "Multifacettes, habile, contemplatif, voluptueux." - Turun Sanomat, Finlande La traduction anglaise publié chez Faber & Faber a été finaliste du prestigieux Dublin Literary Award et l’édition américaine publié chez Pantheon Books finaliste du prix Kirkus Prize for Fiction : There Are the 2021 Kirkus Prize Fiction Finalists | Kirkus Reviews Des traductions sont parues ou en cours chez les éditeurs les plus prestigieux dont : Luchterhand en Allemagne, Patakis en Grèce, Pantheon Books aux États Unis, Faber & Faber au Royaume Uni, De Geus aux Pays Bas, Sellerio en Italie, où le roman a été un beau succès public. "Une écriture étonnante caractérise ce portrait d'amour, de perte et de guerre de l'écrivain finlandais né au Kosovo et finaliste du National Book Award, Statovci (La Traversée). ... Statovci adopte un ton profondément sombre alors que les personnages luttent pour survivre tout en se remémorant un triste passé d'occasions manquées, "épuisés par ce grain de liberté". C'est une histoire éloquente de désir et de déplacement, une symphonie mélancolique dans une tonalité mineure déchirante. Statovci est un maître. " Publisher's Weekly (critique étoilée) "Statovci laisse peu de lumière solaire dans le récit, pour mieux souligner à quel point l'homophobie et le dégoût de soi peuvent être puissants, et Arsim est profondément antipathique ; "que le diable te mange", lui crache Ajshe, et il mérite cette insulte de classe mondiale. Mais il se défait de façon complexe et captivante. ... Une réflexion sans complaisance sur les longues séquelles d'une liaison écourtée." Kirkus (critique étoilée) La traduction anglaise de Bolla a été mise en lumière dans la liste du New York Times Book Review’s “11 New Books We Recommend This Week?? : https://www.nytimes.com/2021/07/29/books/review/11-new-books-we-recommend-this-week.html Le roman a également été mise en avant dans une critique élogieuse du New York Times review: https://www.nytimes.com/2021/07/08/books/review/dalembert-livaneli-statovci.html “Bolla is a splendid achievement and Statovci a major talent.?? Vous pouvez voir une conversation de Pajtim Statovci avec Bethanne Patrick pour Scandinavia House ici (en anglais): http://www.scandinaviahouse.org/events/pajtim-statovci-bolla-talk/ . The Chicago Review of Books: https://chireviewofbooks.com/2021/07/05/12-must-read-books-for-july/ " Le précédent livre de Pajtim Statovci, La traversée, était finaliste du National Book Award 2019 dans la catégorie traduction, et son dernier ne manquera pas de tenir la promesse de cet honneur bien mérité. Imprégné à la fois de la mythologie et des troubles politiques de la patrie albanaise de Statovci, le portrait d'un homme luttant avec son homosexualité dans une société hostile est à la fois profondément personnel, étonnamment universel et impossible à oublier." Poets & Writers: https://www.pw.org/content/ten_questions_for_pajtim_statovci_and_david_hackston «?C’est une histoire éloquente de désir et de déplacement, une symphonie mélancolique dans une tonalité mineure déchirante. Statovci est un maître. » Publisher's Weekly «?Bolla est une réalisation splendide, et Statovci un talent majeur.?» New York Times « Statovci est un maître de la langue finnoise. Ses textes sont exceptionnellement colorés et multidimensionnels ; chaque phrase et chaque métaphore offre de nouvelles perspectives. » Jury du grand prix de littérature Conseil nordique La traductrice : Claire Saint-Germain vit à Helsinki. Elle intervient auprès de jeunes traducteurs dans le cadre du programme de mentorat du Finnish Literature Exchange (FILI) et a traduit des auteurs aussi prestigieux que Laura Lindstedt (Gallimard), Aki Ollikainen (Héloïse d’Ormesson) et Riikka Pulkkinen (Albin Michel). Après des études en prépa littéraire et une maîtrise de philosophie à la Sorbonne, Claire Saint-Germain a fait un passage par les Éditions Amsterdam, spécialisées dans la traduction d’ouvrages d’études culturelles, de genre et postcoloniales. À cette époque elle a rencontré une étudiante finlandaise en Erasmus qui l’a ouverte à sa langue et à sa culture. Ayant le goût du voyage, des langues et de la traduction, Claire Saint-Germain s’est donc inscrite à l’Institut finlandais puis à l’Inalco où elle a obtenu une licence (2010), suivie d’un master à l’université d’Helsinki (2014). Parallèlement stagiaire au FILI - Finnish Literature Exchange (sept. 2010-avr. 2011), le centre de promotion des littératures de Finlande à l’étranger, Claire Saint-Germain a eu l’occasion de passer un premier essai en 2011 pour les éditions Albin Michel, qui a abouti à sa première traduction publiée, L’Armoire des robes oubliées, de Riikka Pulkkinen. Elle a depuis traduit, pour de multiples éditeurs, une quinzaine de romans, deux ouvrages de non-fiction, une série de livres pour enfants et quelques bandes dessinées. Récemment elle a travaillé sur les textes des trois auteurs suivant : Laura Lindstedt, pour Mon amie Natalia, éditions Gallimard Selja Ahava, pour Choses qui tombent du ciel, éditions Bleu et Jaune. Et bien sûr, le très beau livre de Pajtim Statovci, La Traversée, éditions Buchet-Chastel. Interview en français avec la traductrice Claire Saint-GermainPajtim Statovci parle de son roman La Traversée (sous-titrée en français). La Traversée est publié par Buchet-Chastel en janvier 2021. Le roman est traduit par Claire Saint-Germain. Bolla — Virtual Book Talk with Pajtim Statovci and Bethanne Patrick (en anglais)Book talk with Finnish-Kosovan author Pajtim Statovci (National Book Award finalist, "Crossing") on his new novel Bolla. With moderator Bethanne Patrick, he’ll discuss the writing of the novel, in translation by David Hackston (Pantheon). An unlikely love story in Kosovo with unpredictable consequences that reverberates throughout a young man’s life, Bolla is a dazzling tale full of fury, tenderness, longing, and lust. In April 1995, Arsim is a 24-year-old, recently married student at the University of Pristina, keeping his head down to gain a university degree in a time and place deeply hostile to Albanians. In a café he meets a young man named Miloš, a Serb. Before the day is out, everything has changed for both of them, and within a week two milestones erupt in Arsim’s married life: his wife announces her first pregnancy and he begins a life in secret. After these fevered beginnings, Arsim and Miloš’s unlikely affair is derailed by the outbreak of war, which sends Arsim’s fledgling family abroad and timid Miloš spiraling down a dark path, as depicted through chaotic journal entries. Years later, deported back to Pristina after a spell in prison and now alone and hopeless, Arsim finds himself in a broken reality that makes him completely question his past. What happened to him, to them, exactly? How much can you endure, and forgive? Book talk avec l'auteur (en anglais) https://www.youtube.com/watch?v=gegHi2slKs8 Extraits: Nous écoutons la radio de temps à autre. Une bijouterie a été dévalisée, un kiosquier a reçu une amende parce qu’il n’a pu se résoudre à vendre une certaine marque de tabac à des soldats Serbes, des enseignants albanais exerçant clandestinement ont encore été arrêtés, et les Serbes ont coupé l’électricité dans les zones où ils savent que des Albanais séjournent. Nous ne parvenons à garder la radio allumée que peu de temps car elle ne nous annonce jamais rien de bon. Nous ne savons pas quelles nouvelles croire, ce qui s’est réellement passé et ce dont on prétend seulement que c’est arrivé. Nous sommes à couvert comme des clefs enfoncées dans une poche et observons la ville qui se désertifie rageusement derrière les rideaux fermés. Nous entendons rapporter qu’un étudiant, lors d’une des innombrables manifestations, a reçu un coup de pelle à la tête, et lorsque quelqu’un annonce plus tard qu’il est mort à l’hôpital des suites de ses blessures, je dis mais quoi, qu’est-ce qu’ils vont inventer pour nous écraser encore plus, quoi, et alors Miloš entrebâille la fenêtre et les rideaux, les lumières et les sons du monde extérieur se ruent avec violence à l’intérieur, et dit qu’il est désolé – comme s’il éprouvait de la culpabilité que la pelle ait été dans la main d’un Serbe, et ensuite je lui dis ce n’est pas ta faute. – Oui, mais quand même, répond-il. Je passe occasionnellement chez moi. Ajshe est toujours sur place et l’appartement donne l’impression d’être inhabité, elle a dissimulé les affaires dans les placards, nettoyé les sols, les murs et les tapis, éliminé la poussière de toutes les surfaces, mais l’air semble toujours stagner sous une chape de plomb. Au moment où j’entre elle est généralement en train de tricoter en silence sur le canapé du salon ou passe le fer à repasser assise par terre, mais quand je m’avance elle se remet toujours debout, et alors je ne peux m’empêcher de regarder son ventre intolérablement gonflé et son nombril qui ressort tel un œil exorbité. Je m’efforce d’avoir les gestes prompts et d’être aussi laconique que possible, même si elle ne me demande jamais où j’ai passé les nuits, les semaines qui se sont écoulées, mais tente de m’interroger sur mes études et mon travail pendant que je fourre hâtivement des vêtements dans un sac en plastique, ou alors elle essaie d’entamer une conversation sur la cherté de la nourriture et le chômage des Albanais, sur la folie des grandeurs des Serbes, sur les cris qu’elle entend la nuit jusque dans l’appartement, sur le fait que toujours plus de gens déménagent à l’étranger. – Les gens ont peur, dit-elle en portant sa main droite sur son ventre, il vaut mieux ne pas faire d’histoires, à une époque pareille, il vaut mieux rester à la maison, ne sortir que lorsqu’on y est obligé. N’est-ce pas ? – Oui, lui dis-je en réponse, oui, c’est probablement la meilleure chose à faire en tant qu’Albanais, tu as tout à fait raison. – Bon, au revoir alors, a-t-elle coutume de souhaiter une fois que j’ai mis mes chaussures et m’apprête à partir, et toujours au moment où j’ouvre la porte – Je sais que tu es très pris, mais… – Je sais, je sais, oui, je sais, dis-je en l’interrompant. À bientôt, ajouté-je en lui tendant quelques billets à la vue desquels elle dit pouvoir s’en sortir même avec moins que cela, mais elle les prend malgré tout et les glisse dans son soutien-gorge. Voilà comment cela se passe entre nous. Elle veut parler, être ensemble, attendre avec moi l’enfant qui va bientôt naître, et moi tout ce que je sais dire c’est je sais, je sais, chaque chose en son temps, inutile de t’inquiéter comme ça en permanence, tout va s’arranger, voilà ce dont je l’assure et j’ouvre la porte, et juste avant que le battant ne se referme, je la regarde froidement. Si seulement elle entendait mes pensées, mes souhaits qu’elle n’existe même pas." (Et quand Arsim entre au prison: ) Ensuite les lumières sont éteintes et j’entends le verrou s’enclencher, l’écho de pas qui s’éloignent. Cela me remémore les années de guerre, ces jours et ces nuits que nous passions devant la télévision avec Ajshe. Ces instants dérobés par l’abattement, au cours desquels nous suivions en silence, un goût de fer dans la bouche, les nouvelles toutes plus désespérées les unes que les autres – et chaque fois que quelqu’un était tué, qu’il y avait une explosion, que brûlait une maison, un immeuble, un village ou qu’une arme tirait, le silence entre nous était Dieu entré dans notre pièce. Et alors nous le priions, Dieu, dans notre maison loin de la maison, Dieu auquel nous ne croyions plus qu’à peine, nous lui demandions : s’il te plaît, épargne-nous, nous deux, fais que ces morts soient la sœur d’une autre, d’un autre le père, le frère, le cousin. Et puisque Dieu répondait réellement à nos prières et nous épargnait, justement nous, et que c’était la sœur ou la fille d’une autre qu’on forçait à coucher, le frère d’un autre qu’on trucidait, des villages inconnus qu’on détruisait, nous étions soulagés, notre humeur allégée pendant un moment, et alors Ajshe demandait crois-tu que nous sommes de mauvaises gens, moi et toi, parce que nous souhaitons et éprouvons ces choses ? Je n’avais aucune réponse à lui faire car j’ignorais ce que, en guerre, il est autorisé et naturel d’éprouver. J’ai pensé ultérieurement qu’il y avait certes une différence entre souhaiter de telles choses à autrui et souhaiter qu’elles ne vous arrivent pas. Cela avait duré des semaines, des mois, des années après que la guerre était terminée. Le repentir se coinçait dans la gorge, refluait dans la bouche en bile corsée dont rien ne pouvait effacer le goût, et la culpabilité prenait la place de nos yeux et réduisait tout en esclavage ; et Dieu ne quittait plus notre maison, il grondait d’une pièce à l’autre, se cachait derrière les affaires dissimulées dans les placards, se dérobait entre les draps et dans le lave-vaisselle que nous venions d’acheter, il quittait son rôle d’exauceur des prières et se changeait en questions que, chaque jour, face au miroir, nous nous posions à nous-même mais n’osions nous adresser l’un à l’autre. Comment, en ces instants, Ajshe avait-elle pu se concentrer sur ce que disaient nos enfants, sur la cuisine, le ménage, le perpétuel lavage du linge et nettoyage de la salle de bains ? Où trouvait-elle la force d’ouvrir la bouche, de lever les mains, de s’habiller et de prendre sa douche ? La force de répondre à leurs questions sans fin ? Une fois, même, Ajshe apprit que sa cousine avait accouché en pleine forêt, où celle-ci s’était réfugiée avec sa famille. Ce sur quoi elle avait dit : « Elle a perdu beaucoup de sang, mais elle va s’en tirer, et les Serbes ne les trouveront pas dans la forêt, ils n’auront jamais cet enfant. » Pajtim Statovci, grand talent de la littérature finlandaise, est largement considéré comme l’un des auteurs européens les plus intéressants de sa génération. Il est aujourd’hui professeur de littérature comparée à l’université d’Helsinki et ses romans sont traduits ou en cours de traduction dans 17 langues. Né en 1990 au Kosovo, à l’époque une république autonome de la Yougoslavie, il a tout juste deux ans lorsque les troubles politiques et la guerre forcent ses parents, Albanais persécutés dans toute la région, à émigrer en Finlande. Pajtim Statovci étudie la littérature comparée à l’université d’Helsinki puis l’art de la scénarisation à l’École supérieure Aalto d’art, de design et d’architecture. Alors qu’il est encore étudiant, Pajtim Statovci, voit son roman Mon chat Yugoslavia, couronné du très prestigieux prix littéraire Helsingin Sanomat 2014 pour le meilleur premier roman, avant de connaître un succès international. Dans ce texte, traduit dans de nombreuses langues et publié en France aux éditions Denoël (2016, Folio 2017), Pajtim Statovci aborde déjà les thématiques importantes de son œuvre l’exil et l’homosexualité dans une société traditionnaliste et marquée par la violence sociale. Le récit à deux voix associant le sujet de l’homosexualité à celui de l'intégration des immigrants dans la société finlandaise des années 80, est fortement influencé par le grand classique russe Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. Son deuxième roman, La Traversée (Buchet Chastel 2021), est lui aussi salué par la critique internationale. Pour sa traduction anglaise, Pajtim Statovci est finaliste du Prix National Book Award in translation 2019 et nommé pour le International Dublin Literary Award. Il reçoit également le prix de l'écrivain de l'année 2018 à Helsinki. Avec Bolla, publié en 2019, il remporte le prix littéraire le plus prestigieux de son pays, le prix Finlandia, et devient donc, à 29 ans, le plus jeune lauréat. Le magazine Kuukausiliite du Helsingin Sanomat lui consacre une couverture. A sa parution en Finlande, Bolla se place immédiatement parmi les meilleures ventes de Suomalainen Kirjakauppa, la principale chaîne de librairies du pays. Meilleure vente du mois d’août en Finlande, il dépasse le nombre de prêts des bestsellers commerciaux dans les bibliothèques de Helsinki et génère une liste d’attente de près de 1600 personnes souhaitant se le procurer. Le roman a également été finaliste du très important prix du Conseil nordique, décerné aux meilleurs romans des pays scandinaves. Le jury en dit : « Statovci est un maître de la langue finnoise. Ses textes sont exceptionnellement colorés et multidimensionnels ; chaque phrase et chaque métaphore offre de nouvelles perspectives. » Jury du prix du grand prix de littérature Conseil nordique "Pajtim Statovci, 29 ans seulement, est le cadeau de la Finlande à la littérature mondiale." Ilta-Sanomat, Finlande https://www.norden.org/en/nominee/pajtim-statovci

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